deux femmes regardent la mer accroupies sur la plage - elles symbolisent l'amitié

Le souffle de l’amitié : accueillir l’inattendu

Comment reconnaître une relation d’amitié ? Pour moi, aujourd’hui, il y a un signe qui ne trompe pas : c’est quand je me laisse surprendre par la rencontre. Quand je ne sais pas d’avance ce qui va être dit. L’ami·e est cette personne par qui je vais me laisser étonnée. Car elle me fait découvrir une vision, un point de vue, une pensée que je ne connaissais pas encore. L’ami·e élargit mon monde.

La pudeur comme forme de respect

On raconte parfois qu’une amitié se reconnaît quand on «peut tout dire ». Je ne suis pas si certaine de cette affirmation. J’ai toujours aimé garder une forme de pudeur, de secret. Ne pas dire tout ce je pense par exemple, me semble un geste d’amitié. La relation amicale a besoin de délicatesse et d’une diplomate tendresse. Même si bien entendu elle fleurit sur un sol de confiance. Car si l’amitié accueille notre vulnérabilité, elle ne consiste toutefois pas nécessairement au grand déballage. Elle est davantage basée sur un respect mutuel, une forme d’amour désintéressé mais rempli de l’intérêt pour l’autre. Un espace de respiration où chacun·e reste libre.

« Lorsqu’on se montre aimant·e, on exprime ouvertement et honnêtement son attention, son affection, sa responsabilité, son respect, son engagement et sa confiance »

écrit bell hooks dans son essai A propos d’amour.

La confiance, ici, n’est pas de tout dire, mais de pouvoir être soi, même dans le silence.

Le dialogue inédit

Je réalise qu’en amitié, l’aventure qui me plaît tant, c’est de pouvoir parier sur un dialogue inédit. Je suis présente à l’autre qui se montre comme je ne l’avais pas encore vu·e – légèrement cachée derrière celle ou celui que je croyais connaître « par cœur ». S’ouvre alors la joie de découvrir que l’autre n’est jamais réductible à ce qu’il me semble savoir. Mon ami·e, parce que le contexte est sécure, bienveillant et détendu, dévoile sa propre perfection, son intelligence à nulle autre pareil. Voilà qui me comble. L’ami·e m’offre sa connaissance et enrichit la mienne dans un dialogue fécond qui n’attend rien mais donne tout.

Du relationnel au spirituel

Espace relationnel, l’amitié est aussi un espace spirituel. Je médite depuis près de vingt cinq ans et les pratiques que j’aime le plus sont justement celles qui proposent de dialoguer avec « l’autre » en nous, « l’ami·e » intérieur qui peut prendre la forme d’un enfant… ou d’un démon !

Dans les méditations de L’enfant intérieur, il s’agit de convoquer une image de soi enfant. Puis avec beaucoup de tact et de patience, nous accueillons cet enfant et écoutons ce qu’il a à dire. Nous apprenons de lui des choses sur nous que nous ignorions. Des aspects de nous que nous ne voulions pas reconnaître, qui sont comme des trésors révélés à l’endroit où – par habitude – nous pratiquions l’auto-dévaluation. L’enfant intérieur parle de ses difficultés, de sa souffrance et dans le même temps honore le chemin parcouru jusqu’à notre moi adulte. Cet enfant devient un·e ami·e.

Dans les méditations de « Nourrir ses démons », nous donnons une forme à nos difficultés et nos peurs. Nous personnifions cette forme et lui posons une série de questions précises. Puis nous écoutons les réponses données, toujours étonnantes. Toujours inattendues. Nous nous laissons surprendre, là est la clé. Une fois ces réponses entendues, nous comblons la demande de ce démon et ainsi le transformons en allié. Cet allié devient notre ami·e.

Dans les deux cas, c’est – comme en amitié – en nous laissant je dirais « désarçonner » par le dialogue que nous apprenons à mieux nous connaître. Cette connaissance nouvelle, cette intelligence agrandie, nous permet de prendre soin de nous de manière plus juste. Nous devenons notre propre ami·e au lieu de lutter contre nous et ce que nous croyons être.

Surprise et émerveillement

En nous éloignant de tous les vilains petits jugements que nous portons sur nous, ces pratiques méditatives deviennent une amie compréhensive. Elles nous enseignent le sens profond de l’amitié. Elles nous guident vers « le potentiel d’émancipation qui y réside, la possibilité d’embrasement qu’elle porte » pour reprendre une phrase de Alice Raybaud dans son très beau livre Nos puissantes amitiés.


La prochaine journée de méditation autour de « Nourrir ses démons » a lieu le 6 décembre 2025. Je privilégie les petits groupes, le nombre de places est donc limité. Laissez-moi un commentaire si vous souhaitez recevoir les informations pratiques. Je vous répondrai aussitôt.


Livres cités et que je vous recommande vivement pour poursuivre la réflexion :

bell hooks À propos d’amour, Divergences, 2022

Alice Raybaud Nos puissantes amitiés, La Découverte, 2024

Photo de couverture : Yvan Tomate

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