Kae Tempest assis sur un muret derrière le ciel de fin de journée

Il y a tant de paix à découvrir sur les visages que nous croisons

Ça y est, j’ai enfin vu Kae Tempest en concert ! Découvrant son travail il y a à peine trois ans j’avais depuis très envie d’assister en live à une de ses performances. Artiste proétiforme, non binaire, engagé·e, Kae Tempest écrit des romans, pièces de théâtre et recueils de poèmes. Kae Tempest chante aussi et a déjà enregistré plusieurs albums que j’écoute en boucle (The line is a curve, The book of traps and lessons…). Sa voix et son ton me bouleversent car s’y mixent, sans que l’on sache bien comment, une furieuse radicalité et une profonde tendresse.

Être ensemble, dans la fosse

Quelques jours avant le concert à la Cité de la Musique de Paris, j’avais une certaine appréhension. L’ami qui nous avait réservé les places m’avait précisé que nous serions « dans la fosse ». Pendant mon adolescence et jusqu’à mes 40 ans, je n’ai jamais hésité à aller pogotter énergiquement dans les concerts punk, rock et techno. Je trouvais normal qu’un concert se passe dans une atmosphère fougueuse voire violente. Et je pensais que, Kae Tempest venant du spoken word et du rap, attirerait un public enclin à ce même déchaînement …

C’était sans compter sur la magie de sa poésie et son infini amour pour les êtres. Le concert fut d’une douceur et d’une beauté que j’ai dégustées, campée au premier rang, ne perdant pas une miette de la prestation scénique menée à deux, Kae Tempest et sa merveilleuse synthé Pops Roberts

Un concert où je me suis sentie accueillie et respectée, bref une safe place… Enfin !

Kae Tempest en concert, 2025, sourire aux lèvres, micro en main

L’empathie selon Kae Tempest

Kae Tempest est une voix contemporaine qui m’aide, par ses écrits, à mieux définir l’empathie.  Dans son essai Connexion, l’artiste développe de quelle manière créativité et connexion constituent des besoins fondamentaux pour les êtres humains, au même titre que les produits alimentaires, l’eau potable, les soins médicaux ou un logement digne. Et voici comment iel décrit l’une et l’autre :

La créativité désigne l’aptitude à s’émerveiller, l’envie de réagir à ce qui nous bouscule. Ou, plus simplement c’est un acte d’amour […] La connexion c’est la sensation de s’arrimer à l’instant présent, de s’absorber totalement dans l’expérience au moment où elle est vécue…

En deux phrases, Kae Tempest définit la bienveillance et la méditation ! Et c’est ce qui m’a interpelée dans cet essai : ce côté simple, pédagogique, évident ! En partant de son expérience, Kae Tempest nous montre que l’usage de la créativité au service de la connexion aux autres, au monde, aux situations, permet « d’investir une zone où les liens se nouent entre toi et les personnes qui t’accompagnent à cet instant. »

Autrement dit, être là, être vraiment là avec les autres, demande une forme de créativité. Mais Kae Tempest de préciser aussitôt que la créativité n’est pas l’apanage exclusif des artistes. Quiconque prépare un bon repas, fait don de son temps, se livre à la méditation, fabrique un objet de ses propres mains, fait passer les autres avant soi… est déjà dans une forme créative. Être créatif c’est accueillir avec attention et curiosité. C’est par exemple pouvoir écouter l’histoire d’une personne sans imposer immédiatement la nôtre en retour. Dans cette écoute s’opère alors une nouvelle qualité de lien, qui devient plus accompli et moins réactionnel.

Une poésie au service de l’amour

Beaucoup des textes et chansons de Kae Tempest me réveillent. Mais il y a pour moi un titre qui offre un regard vraiment neuf sur la vie : People’s faces. Cet hymne à la tolérance invite à un changement radical de notre perception sur l’être ensemble. Kae Tempest y parle de la manière dont le visage des gens sauve sa santé mentale, et comment la paix sur ces visages lui permet de continuer à vivre. Je me suis autorisée à traduire ce texte pour mieux le comprendre. Vous pouvez lire ce premier essai de traduction ici.

L’année dernière, j’avais enseigné un stage de méditation qui s’intitulait « L’intelligence de l’amour ». J’avais eu à cette occasion l’immense joie de partager ma découverte de Kae Tempest au cœur d’une intervention dédiée à la compassion. Après avoir écouté la chanson et après en avoir lu la traduction en Français que j’en ai faite, j’ai proposé aux soixante participant·es présent·es un exercice méditatif : se placer en deux groupes se faisant face et prendre le temps de regarder les visages. Y découvrir la paix, y découvrir l’amour. Avec pudeur et délicatesse. Mais sans timidité.

Dans le métro, voir le visage des gens

C’est un exercice que je fais très régulièrement dans le métro ou dans la rue : prendre un moment pour regarder le visage des gens et y deviner leur vulnérabilité. Leurs espoirs. Leur ennui. Et leur paix. Car oui, derrière les masques de fatigue ou de contrariété, il est possible de débusquer la paix à laquelle toutes et tous aspirent.

Ce qui nous connecte pèse plus lourd que ce qui nous divise

So much peace

Je suis convaincue que l’écoute du travail que mène des artistes comme Kae Tempest, pourrait aider à ce qu’il y ait moins de violence dans le monde… Entrer en relation avec l’autre, même sans une parole, juste avec les yeux et le cœur est une approche puissante de l’empathie. Un apprentissage de la reconnaissance de l’autre. Un entrainement à la tolérance.

Car, si vous regardez bien, vous pourrez trouver la paix sur le visage des gens…


Photos : Jesse Glazzard (ouverture) et Anne-Marie van Rijn Verbeterd

Pour poursuivre la découverte :

  • Connexion, éditions de l’Olivier, 2021
  • Les nouveaux anciens, L’Arche, 2017

Posez votre question en commentaire. J’y répondrai sur ce blog.

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