Le visage des gens
C’est en train d’arriver
Mon pays se désagrège
Tout cela devient
Une telle farce
C’était ça le moment historique décisif
Que nous avons laissé passer en trébuchant ?
Mais nous voilà
Dansant dans le grondement de l’obscurité
Alors viens un peu plus près
Donne-moi quelque chose de réel que je puisse étreindre
Donne-moi ton beau cœur en ruine
Un autre désastre, Catharsis
Un autre mirage à moitié abandonné
Un autre masque tombe
Je me confronte au charnel
Ma tête fait écho à l’amour des étoiles
Il y a trop de faux-semblants ici
Et trop de choses dépendent de salaires fragiles
Et de loyers exorbitants
Nous travaillons chaque jour qui nous est donné
Avec cette impression que la personne que nous sommes censés être
N’a rien à voir avec nous
Comme si nous allions crouler sous les problèmes
Comme si d’une minute à l’autre, la lutte allait nous achever
Puis
Nous sourions
À tous nos amis
C’est dur
Nos têtes tombent, notre inquiétude s’élève
Le dos collé au mur
Je peux sentir ta souffrance
Et pourtant, rien de tout cela n’est gravé dans le marbre
Aucun savoir ne nous est interdit
Et je peux sentir que les choses sont en train de changer
Même quand je suis faible, que j’ai l’impression que je vais me briser
Je tiens debout malgré les pleurs
Parce que je peux voir vos visages
Il y a tellement de paix à découvrir sur le visage des gens
Je l’ai vu rugir
Je l’ai senti s’agripper à mes vêtements comme un ami en deuil
Il a dit : « Il n’y aura pas de nouveau départ
Tant que nous n’aurons compris qu’il faut en finir avec le monde d’avant ».
Il est si difficile d’accepter que nous sommes toutes et tous une seule et même chair.
À cause des séparations que nous créons sans cesse entre oppresseurs, complices et opprimés.
Cependant, nous le sommes, toutes et tous une seule et même chair.
Plus d’empathie
Moins d’avidité
Et plus de respect
Tout ce que j’ai à dire a déjà été dit
Je veux dire que tu l’as déjà entendu toi-même
Quand tu étais allongé·e dans ton lit et que tu ne pouvais pas dormir
Et que tu te demandais « on ne pourrait pas faire les choses
différemment ? »
Au loin, j’entends chaque petit murmure qui chante des hymnes
Et je peux, je peux
Je peux sentir les choses changer
C’est dur
Nos têtes tombent, notre inquiétude s’élève
Le dos collé au mur
Je peux sentir ton cœur qui s’affole
Et pourtant, rien de tout cela n’est gravé dans le marbre
Les courants sont rapides mais la rivière s’écoule inexorablement
Et je peux sentir que les choses sont en train de changer
Même quand je suis faible, que j’ai l’impression que je vais me briser
Je tiens debout malgré les pleurs
Parce que je peux voir vos visages
Tellement de paix à découvrir sur le visage des gens
Ce n’est pas suffisant
D’imaginer que nous serons heureux
quand nous aurons assez de choses
Tous ces trucs nous étouffent
Je suis net et sans bavure
Je suis tout esprit
Et pourtant je m’enfonce,
je m’enfonce,
et je fonds
Parce que mes jours ne sont pas des jours
Mais d’étranges symptômes
Et oui, nous avons à vivre dans un temps qui est le nôtre
Mais ce temps est marqué par la colère
Et oui nos enfants sont courageux
Mais leur mission est vague
Votre vie est-elle bien vécue
Ou votre vie est-elle bien interprétée ?
Je n’ai pas les réponses
Mais je crois qu’il y a encore des choses à dire
Je regarde fixement ma ville en ce nouveau jour difficile
Et je crie intérieurement : quand cela va-t-il changer ?
Je commence à faiblir
Mais ma santé mentale est sauve
Parce que je peux voir vos visages
Ma santé mentale est sauve parce que je peux voir vos visages
C’est dur
Nos têtes tombent, notre inquiétude s’élève
Le dos collé au mur
Je peux sentir ton cœur s’affoler
Même quand je suis faible, prête à me briser
Je tiens debout malgré les pleurs
Car que je peux voir vos visages
Il y a une telle paix à découvrir sur le visage des gens
J’aime le visage des gens
Traduction Marie-Laurence Cattoire, mars 2024
Photo © Wolfgang Tillmans